Des pommes en Haïti?

Et oui, il s’agit bien de pommes! Et elles viennent de chez moi!

Elles sont le fruit d’un pommier frêle qui ne cesse de me surprendre. Hier encore, je l’observais d’un regard amusé. Je ne pouvais m’empêcher de sourire en me rappelant l’accueil froid que nous lui avions réservé à son arrivée dans notre cour.

Mon père l’avait planté, il y a de cela plus de 20 ans, après une de ses nombreuses escapades dans les hauteurs de Kenscoff, escapades qui incluaient presque toujours des arrêts gourmands dont une visite au centre de vente d’une des fermes de la zone.

Ce jour-là, mon père avait découvert émerveillé que les pommiers qui poussaient à Furcy – ville à environ 30-45 minutes en voiture de Fermathe – étaient fructueux.

Amateur d’arbres fruitiers, il avait décidé tout naturellement qu’il lui fallait avoir un pommier chez lui. Il en avait donc ramené une plantule à la maison non sans faire face à des commentaires négatifs de notre part. Nous n’étions pas du tout convaincus que cet arbre produirait chez nous. Il pousserait certes mais, à une altitude plus basse et une température légèrement plus élevée, arriverait-il à produire des fruits comme à Furcy? De plus, que savait mon père des pommiers pour pouvoir les réussir ?

En dépit de nos nombreuses protestations, mon père ne se laissa pas décourager. Il planta quand même son pommier au beau milieu de notre cour.

Des années durant, nous primes plaisir à lui répéter que cet arbuste ridicule, frêle et pratiquement sans feuilles ne faisait que prendre la place d’un arbre qui pourrait nous approvisionner en fruits régulièrement. Lui qui croyait fermement que son pommier donnerait un jour une pomme, faisait la sourde oreille, et ce à juste titre. Ce pommier allait prouver 15 à 20 ans plus tard que nous avions tort.

Je me rappelle encore ce jour-là. Après de longues années d’attente, mon père récoltait sa première pomme qu’il coupa en fines tranches qu’il partagea avec nous. Cette toute première pomme verte et légèrement acidulée avait beaucoup de « caractère », comme nous le disons si bien chez nous, ce qui fit la joie de mon père et la nôtre bien sûr. Son pommier promettait.

Malheureusement, cette première pomme ne suffisait pas à estomper nos doutes. Une seule pomme ne faisait pas de ce pommier un pommier de l’abondance comme aurait pu être le cas avec un autre arbre fruitier.

Cet arbre ne se laissa pas pour autant abattre par notre manque de foi en sa fertilité. Comme s’il était déterminé à prouver que nous avions tort, il prit soin d’améliorer sa production au fil du temps.

Depuis cette première pomme, nos récoltes ne font qu’augmenter d’année en année et les pommes sont toujours meilleures que celles des années précédentes. A mon grand étonnement, celles que j’ai pu sauver des oiseaux affamés, qui ne peuvent pas se contenter des pêches, mandarines et rezen mulberries que nous partageons contre notre gré avec eux à chaque récolte, étaient bien plus sucrées que celles de l’année dernière.

Avec un peu de chance, les oiseaux ne s’en prendront pas à celles qui sont encore suspendues à l’arbre avant qu’elles ne soient complètement mûres.

Au bout du compte, mon père avait eu raison de nous ignorer durant ces longues années. Après tout, s’il ne l’avait pas fait, je n’aurais pas eu aujourd’hui la joie de tarir d’éloges pour son fameux pommier.

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