La bataille des artichauts

C’est l’histoire d’une fillette qui aime les artichauts, mais a toujours droit à la plus petite portion…

Un dimanche, elle remarque des ramequins au couvert du jour. Chez elle, les ramequins ainsi placés servent presque toujours de bols individuels à vinaigrette pour artichauts. Elle anticipe donc la présence de ce légume au menu du jour, et attend impatiemment de se retrouver à table.

Elle sait déjà qu’elle aura droit à la plus petite part. Etant la plus jeune autour de la table, la bataille pour l’artichaut le plus gros, elle la sait perdue d’avance. Il y aura certes un artichaut pour chaque membre de la famille, mais elle, elle ne recevra que la plus petite part. Elle n’a jamais compris cette injustice.

Depuis toujours, elle se demande pourquoi les artichauts sont ainsi vendus en Haïti.

Voyez-vous, chez nous, les marchands ambulants vendent leurs artichauts par bouquets. Pour une raison incompréhensible, ces bouquets semblent ne jamais être proportionnels. Ils incluent presque toujours au maximum un ou deux gros artichauts, et ceci quelque soit le nombre de fleurs qui y figurent. Les autres légumes sont minuscules en comparaison. A se demander si c’est un fait exprès.

La marchande souhaite-t-elle rendre ses bouquets plus abordables ? Ou veut-elle tout simplement torturer les petites filles qui, comme cette enfant, aiment beaucoup les artichauts ?

La fillette croit bien que cette dernière hypothèse est la bonne. Mais aujourd’hui, elle ne se déclarera pas vaincue.

Son artichaut, aussi petit soit-il sera ‘le plus gros’ de la table.

Son plan ? Le manger aussi doucement que possible. « Fè lasisin » comme on le dirait si bien chez nous. Elle mangera son artichaut un pétale à la fois. Elle prendra le temps de tremper les pétales un à un dans la vinaigrette avant d’en déguster la partie comestible. Une fois arrivée au cœur, elle le mettra de côté.

Cette stratégie fera bien des envieux. Elle ignorera les membres de sa famille qui, après avoir englouti leur artichaut, convoiteront le sien. A chaque fois qu’ils lui demanderont si elle ne le mangera pas, elle répondra nonchalamment que non. Elle se contentera, tout comme eux, de terminer son repas, tout en gardant un œil sur son cœur d’artichaut qu’elle ne touchera que lorsqu’ils auront tous terminé leur repas.

Sous leurs regards envieux, elle le trempera alors lentement dans la vinaigrette et le dégustera par petites bouchées. Ainsi elle aura sa victoire face à ses parents et aux marchandes ambulantes.

Elle triomphera enfin de cette injustice. Son petit artichaut durera bien plus longtemps que les leurs.

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