Les bananes, source de vie

Renmen sa ki soti nan lakou lakay nou! (aimez les produits de votre jardin)

Ces mots, ma mère nous les a souvent répétés durant notre enfance.

A l’époque, nous avions une forte aversion pour les bananes de notre cour. Elle tentait à force de mots de nous encourager à apprécier les fruits et légumes de notre jardin. En fait, nous refusions de manger ces bananes non pas parce qu’elles étaient simplement différentes des bananes traditionnelles – en Haïti il existe plusieurs variétés de ce légume qui ont chacune une forme, une couleur et un goût différent – mais parce que nous avions assisté aux guerres sans fin que menait notre père contre les bananiers de notre cour.

Je ne pense pas me tromper en disant que j’ai grandi dans une maison où, durant des années, les bananiers étaient un ennemi à vaincre à tout prix.

Mon père coupait en vain les troncs qu’il faisait brûler avec quelques gouttes de gazoline, espérant ainsi stopper leur croissance. Il s’acharnait tant contre ces arbres qu’il allait même jusqu’à fouiller le sol pour en extraire les racines par bloc – aussi bizarre que cela puisse vous sembler, les racines de bananiers sont d’énormes blocs blancs semblables à des icebergs.

Je crois qu’en fait, en ce temps là, mes parents ne comprenaient pas encore l’importance d’avoir autant de bananiers dans leur cour. Ils étaient plutôt fatigués de voir ces arbustes envahir leur cour en poussant à tous les coins. Un abitan du quartier, témoin de leur acharnement contre ces arbres, tenta en mainte fois de les convaincre que « bannann se lavi » (les bananes sont source de vie).

Il a fallu près de 34 ans pour que mes parents comprennent finalement ce que voulait dire cette voisine. Pour la première fois cette année, nous avons récolté tant de « régimes » de bananes que nous n’arrivons même plus à faire le décompte. Nous avons aujourd’hui au moins deux ou trois variétés de bananes que nous faisons bouillir ou que nous utilisons pour nos bananes pesées tous les jours. Mon père a même découvert l’art de faire les papitas !

Qui aurait pensé que, 15 à 20 ans plus tard, mes parents accueilleraient ces bananiers avec tant de joie ?

Ma mère et cette vieille dame du quartier savaient un peu de quoi elles parlaient. Il faut effectivement que nous « renmen sa ki soti nan lakou lakay nou » et « bannann se lavi vreman ! »

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